Le bouclier antimissile américain avive les passions au Parlement européen
L'Orient-Le Jour, 30 Juin 2007
«Le Royaume-Uni et la France n’ont demandé à personne la permission de se doter de l’arme nucléaire ! » Ce cri du cœur inattendu, d’un eurodéputé polonais, a conclu jeudi un vif débat au Parlement européen sur le thème « l’Europe a-t-elle besoin d’un bouclier antimissile ? »
Celui qui l’avait poussé, le président de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen, Jacek Saryusz-Wolski, membre du Parti populaire européen (PPE, conservateur) était ulcéré. La Pologne venait d’être mise en cause pour ne pas avoir consulté ses partenaires européens, au sein de l’UE comme de l’OTAN, avant de négocier sur une base bilatérale avec les États-Unis l’installation sur son sol de 10 missiles intercepteurs américains. De même d’ailleurs que la République tchèque, à propos du radar d’alerte et de conduite de tir très perfectionné que Washington veut y installer pour compléter le volet européen de son bouclier antimissile national, au grand dam de la Russie qui juge que le projet met en cause ses intérêts stratégiques.
Plusieurs intervenants au débat organisé par la sous-commission de la Sécurité et de la Défense, surtout députés de la gauche ou des Verts, ont prié avec insistance Varsovie et Prague de ne pas conclure avant d’avoir reçu le feu vert des autres alliés européens. Le président de la sous-commission lui-même, l’Allemand Karl von Wogau, siégeant à la tribune aux côtés de son collègue polonais et du même groupe parlementaire que lui, a asséné : « Le projet d’intégrer la Pologne et la République tchèque au système antimissile américain n’est pas encore assez clairement défini en ce qui concerne ses implications pratiques et ses conséquences pour la sécurité d’importants États voisins (...). En conséquence, j’appelle d’urgence la Pologne et la République tchèque à ne pas prendre de décisions définitives avant que l’OTAN en soit arrivée à un accord final sur ce système, après des consultations étroites avec la Russie. » D’où l’exclamation indignée de M. Saryusz-Wolski, qui s’est senti obligé pour justifier l’attitude de son pays de rappeler, paradoxalement dans un tel cénacle, que la défense nationale d’un pays échappe encore aux institutions de l’UE.
Le débat s’est également enflammé sur la réalité ou non de la menace balistique et nucléaire iranienne qu’une importante délégation de l’Agence de défense antimissiles américaine, dirigée par Mme Patricia Sanders, était venue présenter avec force graphiques, cartes et transparents. Un député de la Gauche radicale, l’Allemand Tobias Pflüger, a eu beau jeu de rappeler les mauvais souvenirs de l’intervention en Irak, précédée, a-t-il dit, des « contes de fées » de l’ex-secrétaire d’État Colin Powell sur les armes de destruction massive irakiennes. Le spécialiste français François Heisbourg, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) de Paris, a, lui, qualifié carrément de « menace hypothétique et virtuelle » la perspective que l’Iran se dote rapidement d’un arsenal de missiles intercontinentaux de plus de 5 000 km de portée, capables de frapper les États-Unis. Il a critiqué aussi « le bilatéralisme, s’agissant des projets mettant en jeu la sécurité de tous » et suggéré que le Parlement « émette le vœu qu’aucune décision définitive en matière de déploiement de systèmes antimissiles balistiques à l’échelle européenne et sur le territoire européen ne se fasse sans une délibération de l’OTAN, ou de l’UE pour le territoire des (six) pays non membres de l’OTAN ».
L’ancien directeur du réputé Institut d’études stratégiques (IISS) de Londres a souligné qu’à l’époque de la polémique sur les euromissiles, en 1979, l’OTAN avait été impliquée. Il a souhaité que l’Alliance atlantique ait encore son mot à dire et garantisse à la Russie que le bouclier antimissile américain en Europe ne serait pas élargi au-delà du projet actuel.
© 2007, L'Orient-Le Jour. Droits de reproduction et de diffusion réservés
«Le Royaume-Uni et la France n’ont demandé à personne la permission de se doter de l’arme nucléaire ! » Ce cri du cœur inattendu, d’un eurodéputé polonais, a conclu jeudi un vif débat au Parlement européen sur le thème « l’Europe a-t-elle besoin d’un bouclier antimissile ? »
Celui qui l’avait poussé, le président de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen, Jacek Saryusz-Wolski, membre du Parti populaire européen (PPE, conservateur) était ulcéré. La Pologne venait d’être mise en cause pour ne pas avoir consulté ses partenaires européens, au sein de l’UE comme de l’OTAN, avant de négocier sur une base bilatérale avec les États-Unis l’installation sur son sol de 10 missiles intercepteurs américains. De même d’ailleurs que la République tchèque, à propos du radar d’alerte et de conduite de tir très perfectionné que Washington veut y installer pour compléter le volet européen de son bouclier antimissile national, au grand dam de la Russie qui juge que le projet met en cause ses intérêts stratégiques.
Plusieurs intervenants au débat organisé par la sous-commission de la Sécurité et de la Défense, surtout députés de la gauche ou des Verts, ont prié avec insistance Varsovie et Prague de ne pas conclure avant d’avoir reçu le feu vert des autres alliés européens. Le président de la sous-commission lui-même, l’Allemand Karl von Wogau, siégeant à la tribune aux côtés de son collègue polonais et du même groupe parlementaire que lui, a asséné : « Le projet d’intégrer la Pologne et la République tchèque au système antimissile américain n’est pas encore assez clairement défini en ce qui concerne ses implications pratiques et ses conséquences pour la sécurité d’importants États voisins (...). En conséquence, j’appelle d’urgence la Pologne et la République tchèque à ne pas prendre de décisions définitives avant que l’OTAN en soit arrivée à un accord final sur ce système, après des consultations étroites avec la Russie. » D’où l’exclamation indignée de M. Saryusz-Wolski, qui s’est senti obligé pour justifier l’attitude de son pays de rappeler, paradoxalement dans un tel cénacle, que la défense nationale d’un pays échappe encore aux institutions de l’UE.
Le débat s’est également enflammé sur la réalité ou non de la menace balistique et nucléaire iranienne qu’une importante délégation de l’Agence de défense antimissiles américaine, dirigée par Mme Patricia Sanders, était venue présenter avec force graphiques, cartes et transparents. Un député de la Gauche radicale, l’Allemand Tobias Pflüger, a eu beau jeu de rappeler les mauvais souvenirs de l’intervention en Irak, précédée, a-t-il dit, des « contes de fées » de l’ex-secrétaire d’État Colin Powell sur les armes de destruction massive irakiennes. Le spécialiste français François Heisbourg, de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) de Paris, a, lui, qualifié carrément de « menace hypothétique et virtuelle » la perspective que l’Iran se dote rapidement d’un arsenal de missiles intercontinentaux de plus de 5 000 km de portée, capables de frapper les États-Unis. Il a critiqué aussi « le bilatéralisme, s’agissant des projets mettant en jeu la sécurité de tous » et suggéré que le Parlement « émette le vœu qu’aucune décision définitive en matière de déploiement de systèmes antimissiles balistiques à l’échelle européenne et sur le territoire européen ne se fasse sans une délibération de l’OTAN, ou de l’UE pour le territoire des (six) pays non membres de l’OTAN ».
L’ancien directeur du réputé Institut d’études stratégiques (IISS) de Londres a souligné qu’à l’époque de la polémique sur les euromissiles, en 1979, l’OTAN avait été impliquée. Il a souhaité que l’Alliance atlantique ait encore son mot à dire et garantisse à la Russie que le bouclier antimissile américain en Europe ne serait pas élargi au-delà du projet actuel.
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Tobias Pflüger - 2007/07/02 09:41
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