Tobias Pflüger: «L’institution pour la sécurité, est en fait une institution de guerre»
Article dans: L'Humanité Dimanche, 27 mars au 2 avril 2008
Eurodéputé allemand du groupe de la Gauche unie européenne-Gauche verte nordique(GUE-GVN), Tobias Pflüger est membre de la sous-commission Sécurité et Défense et dela Délégation pour l es relations avec l’assemblée parlementaire de l’OTAN.
HD. Ce sommet de l’OTAN est présenté comme un sommet « historique ». Que va-t-il se jouer à Bucarest du 2 au 4 avril ?
TOBIAS PFLÜGER. Un des principaux enjeux actuels est la nouvelle stratégie que certains États, en premier lieu les États-Unis, veulent pour l’OTAN. En début d’année, cinq généraux à la retraite de l’organisation ont publié un document stratégique. Publié dans le contexte de tensions avec l’Iran, ce projet dit, par exemple, que l’arme nucléaire peut être utilisée. Autre aspect du projet : l’OTAN assumerait une mission militaire pour le monde entier (alors que son nom – Organisation du traité de l’Atlantique Nord – indique bien sa vocation régionale). C’est tout à fait nouveau. Cela signifie que l’OTAN pourrait intervenir militairement dans le monde entier. « L’institution pour la sécurité » est en fait une institution de guerre. Comme on le voit aujourd’hui en Afghanistan et au Kosovo. Une institution conduite par les États-Unis et quelques États européens et servant de force de police mondiale : voilà la nouvelle stratégie de l’OTAN.
HD. Cette visée hégémonique est-elle récente ?
T. P. Le point de départ de cette évolution date de 1999 et de la guerre contre la Yougoslavie. L’OTAN a alors décidé qu’elle pouvait s’autoaccorder un mandat pour mener une guerre, sans résolution des Nations unies. C’est une première dans le monde. Avant, il était clair que seule l’ONU en avait la légitimité. Cette nouvelle stratégie de l’Alliance s’est ensuite accélérée après le 11 septembre 2001. Les dirigeants américains ont utilisé les attentats terroristes pour justifier l’envoi de troupes en Afghanistan et l’augmentation des effectifs militaires au sein des États membres de l’OTAN. Le gouvernement des États-Unis est le chef d’orchestre, le moteur de cette évolution, mais il ne pourrait pas le faire seul. Il a le soutien de plusieurs États, notamment en Europe.
HD. Sur 26 membres de l’OTAN, 21 sont européens. Quels sont les rapports entre l’Union européenne et l’OTAN ?
T. P. De plus en plus l’UE et l’OTAN mènent leurs politiques de façon très proche. Par exemple, l’EUPOL, qui est la mission de police de l’UE en Afghanistan, utilise les infrastructures et toute la logistique de l’ISAF, la mission de l’OTAN dans le pays. Au Kosovo, la mission européenne, EULEX, est très proche de la KFOR, force de l’OTAN. Beaucoup de décisions sont prises en commun. Le développement du système de l’Alliance a même été inscrit dans le nouveau traité européen. Concrètement, cette proximité empêche l’UE de mener une politique indépendante.
HD. Quels sont les dangers de cette nouvelle stratégie de l’OTAN ?
T. P. Cette stratégie va mener à une multiplication des conflits et à leur « irakisation ». D’autre part, en collant à cette évolution, l’Union européenne perd de plus en plus son rôle d’acteur politique non militaire dans le monde, notamment de médiateur dans les conflits. Prenez l’exemple du Sri Lanka, l’UE n’est plus présente dans les négociations car elle a inscrit le mouvement des Tigres de libération de l’Eelam Tamoul (LTTE) sur la liste des groupes terroristes. Du coup, plus aucune négociation avec eux n’est possible. Ce sont la Norvège et la Suisse qui s’en chargent. On annonce que le président français, Nicolas Sarkozy, va prendre des initiatives pour renforcer le volet militaire de la politique européenne. En faisant cela, il affaiblit la possibilité d’une politique étrangère civile de l’UE qui serait respectée dans le monde entier.
ENTRETIEN RÉALISÉPARCHARLOTTEBOZONNET
Eurodéputé allemand du groupe de la Gauche unie européenne-Gauche verte nordique(GUE-GVN), Tobias Pflüger est membre de la sous-commission Sécurité et Défense et dela Délégation pour l es relations avec l’assemblée parlementaire de l’OTAN.
HD. Ce sommet de l’OTAN est présenté comme un sommet « historique ». Que va-t-il se jouer à Bucarest du 2 au 4 avril ?
TOBIAS PFLÜGER. Un des principaux enjeux actuels est la nouvelle stratégie que certains États, en premier lieu les États-Unis, veulent pour l’OTAN. En début d’année, cinq généraux à la retraite de l’organisation ont publié un document stratégique. Publié dans le contexte de tensions avec l’Iran, ce projet dit, par exemple, que l’arme nucléaire peut être utilisée. Autre aspect du projet : l’OTAN assumerait une mission militaire pour le monde entier (alors que son nom – Organisation du traité de l’Atlantique Nord – indique bien sa vocation régionale). C’est tout à fait nouveau. Cela signifie que l’OTAN pourrait intervenir militairement dans le monde entier. « L’institution pour la sécurité » est en fait une institution de guerre. Comme on le voit aujourd’hui en Afghanistan et au Kosovo. Une institution conduite par les États-Unis et quelques États européens et servant de force de police mondiale : voilà la nouvelle stratégie de l’OTAN.
HD. Cette visée hégémonique est-elle récente ?
T. P. Le point de départ de cette évolution date de 1999 et de la guerre contre la Yougoslavie. L’OTAN a alors décidé qu’elle pouvait s’autoaccorder un mandat pour mener une guerre, sans résolution des Nations unies. C’est une première dans le monde. Avant, il était clair que seule l’ONU en avait la légitimité. Cette nouvelle stratégie de l’Alliance s’est ensuite accélérée après le 11 septembre 2001. Les dirigeants américains ont utilisé les attentats terroristes pour justifier l’envoi de troupes en Afghanistan et l’augmentation des effectifs militaires au sein des États membres de l’OTAN. Le gouvernement des États-Unis est le chef d’orchestre, le moteur de cette évolution, mais il ne pourrait pas le faire seul. Il a le soutien de plusieurs États, notamment en Europe.
HD. Sur 26 membres de l’OTAN, 21 sont européens. Quels sont les rapports entre l’Union européenne et l’OTAN ?
T. P. De plus en plus l’UE et l’OTAN mènent leurs politiques de façon très proche. Par exemple, l’EUPOL, qui est la mission de police de l’UE en Afghanistan, utilise les infrastructures et toute la logistique de l’ISAF, la mission de l’OTAN dans le pays. Au Kosovo, la mission européenne, EULEX, est très proche de la KFOR, force de l’OTAN. Beaucoup de décisions sont prises en commun. Le développement du système de l’Alliance a même été inscrit dans le nouveau traité européen. Concrètement, cette proximité empêche l’UE de mener une politique indépendante.
HD. Quels sont les dangers de cette nouvelle stratégie de l’OTAN ?
T. P. Cette stratégie va mener à une multiplication des conflits et à leur « irakisation ». D’autre part, en collant à cette évolution, l’Union européenne perd de plus en plus son rôle d’acteur politique non militaire dans le monde, notamment de médiateur dans les conflits. Prenez l’exemple du Sri Lanka, l’UE n’est plus présente dans les négociations car elle a inscrit le mouvement des Tigres de libération de l’Eelam Tamoul (LTTE) sur la liste des groupes terroristes. Du coup, plus aucune négociation avec eux n’est possible. Ce sont la Norvège et la Suisse qui s’en chargent. On annonce que le président français, Nicolas Sarkozy, va prendre des initiatives pour renforcer le volet militaire de la politique européenne. En faisant cela, il affaiblit la possibilité d’une politique étrangère civile de l’UE qui serait respectée dans le monde entier.
ENTRETIEN RÉALISÉPARCHARLOTTEBOZONNET
Tobias Pflüger - 2008/04/04 23:25
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